Nous le savons : l’enfant existe par le jeu, il ne joue pas pour apprendre, il apprend parcequ’il joue. Pour autant, un tel investissement se doit de n’être pas seulement un gros jouet et c’est bien à partir des besoins de son apprentissage de l’espace et de la communication qu’il faut structurer les volumes. L’intention est donc multiple : favoriser à la fois le mouvement et le repos, la communication et le repli, l’expérience du risque et la sécurité tout en proposant aux perceptions sensorielles un grande variété de formes, de couleurs et de matières.

Terrain d’aventure intra-muros donc, mais ici les éléments mis en oeuvre ne pouvant être aléatoires, chacun d’entre eux vise une ou des stimulations précises. Pour exemple, et sans tout détailler, si la passerelle suspendue offre une circulation en hauteur d’où l’on découvre le monde en trois dimensions, les tunnels renvoient à l’expérience du dedans, la progression dans un espace restreint permettant l’intégration des limites et du schéma corporel. Les toboggans font éprouver le lâcher-prise et la chute en douceur alors que la tour implique la coordination des mouvements du grimper et du déplacement latéral sur un volume stable. La communication est favorisée à travers le mur à grimaces qui délimite aussi les espaces de circulation. Le nid et l’igloo permettent le retour à l’expérience matricielle tout en vérifiant qu’on en est sorti ; par les hublots on voit sans être vu, mais aussi l’adulte peut jeter un coup d’oeil depuis l’extérieur. Sous l’igloo, le kiosque accueille les enfants sur des bancs confortables pour une première approche de la lecture ou simplement un peu à l’écart des circulations un moment de retour à soi toujours nécessaire dans les groupes de vie collective.

L’apprentissage reposant pour une large part sur l’erreur, il convient de ne pas empêcher celle-ci de se produire, ce qui reviendrait à mettre l’expérience en cage, mais de contrôler les effets de la prise de risque, et ceci pose évidemment la question de la sécurité.
C’est, dans la conception d’un tel objet, une préoccupation prioritaire qui pour autant ne doit pas devenir obsessionnelle. Tomber, se cogner, avoir peur, sont des événements sans lesquels on ne grandit pas. Il s’agit donc d’organiser les conditions de ces expériences de telle sorte qu’elles ne traumatisent pas : les rambardes interdisent la chute là où elle serait dangereuse, mais les tatamis ne font qu’en amortir l’effet là où elle reste possible ; aucune arrête vive ne peut transformer une simple bosse en blessure et les circulations sont telles qu’un adulte peut rapidement accéder partout et éviter qu’une petite peur ne devienne une grosse panique.

Il faut pour cela que l’échelle de la réalisation soit compatible avec une circulation aisée des adultes. Au demeurant, s’il est juste d’offrir à l’enfant un volume proportionné à sa mesure, qui ne le noie pas dans des dimensions trop vastes, l’excès inverse d’une miniaturisation à échelle 1/2, non seulement rendrait impraticable pour les adultes, mais de surcroît bloquerait l’enfant lui-même dans une représentation achevée de son propre corps, qui doit pourtant encore grandir. Et si il y a là, en quelque sorte, densification de l’espace, construire pour l’enfance doit plus qu’ailleurs rester l’art de créer du possible.

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