Perceptions, sensibilité & styles

Très en amont des questions de style, de sensibilités, nous exerçons notre art en appui sur deux postulats invariants :

1/ Il n’existe pas d’espace bâti non intentionnel
En d’autres termes, lorsque l’on dimensionne un volume, c’est toujours avec une “idée derrière la tête” de ce que l’on veut encourager à y vivre… ou interdire. Il nous appartient donc de ne jamais orchestrer un agencement comme ceci ou comme cela en raison apparente de la coutume ou de la mode, mais de toujours interroger l’intention de son usage pour pouvoir au mieux le favoriser concrètement.

2 / Une fonction qui ne dispose pas d’un espace dédié est une fonction déniée. Comment exiger d’un enfant qu’il apprenne à écrire s’il ne dispose pas d’un table pour travailler à l’écart de l’agitation, comment envisager l’exercice serein d’une tâche domestique s’il faut l’improviser au milieu d’un fatras, comment se reposer dans la pression acoustique d’une vie trépidante de ses proches, comment se concentrer lorsque l’on est bombardé de stimuli agressifs… Quitte à se contenter d’espaces concentrés, nous avons l’obligation de donner à chaque fonction essentielle lieu d’être reconnue et facilitée.

Et puis, au-delà de ces postulats, un intérieur ne saurait être réussi s’il ne contribue pas à rendre évident le sens de ce qu’il abrite. C’est toute la fierté de notre exercice de pouvoir mettre les murs en résonance avec cet impalpable. Alors, les ambiances et le style peuvent être déclinés en appui sur ce socle avec d’autant plus de liberté inventive que l’essentiel est acquis.

Distributions

Bien plus aujourd’hui que quelques décennies plus tôt, un bâtiment c’est avant tout un appareil à gérer des fluides : la chaleur, la fraicheur, le renouvellement de l’air, le gaz, l’électricité, l’eau, les données informatiques, les ondes – qu’elles soient sonores, lumineuse, magnétiques – mais le premier de ces flux est le déplacement des personnes qui vont vivre ou passer là. Il ne viendrait pas à l’esprit de loger une réserve à l’opposé du lieu de traitement de ce qu’elle resserre ou une salle de bains à vingt mètres du dressing, mais au-delà de ces évidence c’est tout le détail d’un fonctionnement toujours différent qu’il faut analyser avant de poser les équipements qu’il nécessite et les cloisons, les murs et les portes qui le délimitent. C’est pourquoi la première question à laquelle il faut répondre de conserve avec le futur occupant ou gestionnaire, c’est “on fait quoi où, quand” et qui se déplace entre ceci et cela. Si la réponse peut sembler entendue dans le cadre d’une vie familiale classique, sitôt que l’on aborde les questions de production ou d’accueil, il est indispensable de valider les parcours avant d’en projeter le cadre. C’est l’un des objectifs des audits structurels que nous menons en amont de nos missions, afin d’aboutir à un programme solide et connu de tous les acteurs du projet.

Séjour

Au centre de gravité du quotidien, le séjour est le miroir du mode de vie qu’il autorise et encourage : refuge ou vitrine, intimiste en corner ou largement ouvert aux circulations, cascade de perspectives ou cocon enveloppant…

Nous allons structurer l’espace des sensations recherchées avant de les conforter par les matières, textures, couleurs des revêtements et mobilier.

L’éclairage vient faire vibrer l’intention d’ambiance des différents moments traversés dans ce lieu. 

Que les mots clés soient convivial ou feutré, cosy ou branché, épuré ou foisonnant, rustique, contemporain, décalé, nous apposerons toujours à cet épicentre de la vie sociale un rythme graphique, une personnalisation de caractère. Le partage et l’échange commencent dans la conception avec les attractions de notre commanditaire pour produire l’univers de sa présence accordée.

Cuisine

Professionnelle ou destinée à un particulier, la cuisine est avant tout un outil qui doit répondre à des exigences ergonomiques, d’hygiène et d’économie.
C’est autour de ces obligations fonctionnelles que la facilité du geste va s’organiser selon des règles précises, adaptées à chaque personnalité et à chaque usage. Le decorum vient ensuite, seulement lorsque les conditions de la chorégraphie sont arrêtées. Une cuisine sur mesure est un concentré qui appelle toutes les synthèses : techniques, esthétiques, utilitaires, nous ne pouvons la concevoir qu’avec l’inspiration des futurs compositeurs-interprètes, car c’est leur propre partition qui va jouer, là.

Salle de bains

Rien n’est plus personnel que l’intimité du soin porté à soi-même. Ce volume, généralement de dimensions enveloppantes, requiert un surcroit de précision pour y offrir la volupté que demande le corps exposé. La plus symbolique des pièces de la maison est aussi celle dont la création requiert une attention proche de la préciosité. Les matières nobles y sont partout présentes pour satisfaire aux contraintes humides et plus encore raffiner le théâtre de la toilette, préambule ou point d’orgue du jour dans le monde, toujours retour à soi.

Chambre

Lieu couvert par essence et jusque dans l’origine du mot, c’est toujours la cellule où l’on se retrouve, avec soi au avec l’autre, mais à l’écart du brouhaha de la socialisation, quelle qu’en soit l’échelle. De la cellule monacale à la chambre d’hôtel, la chambre d’enfant, la chambre du couple, la chambre d’amis ont toutes en commun ce repli sur soi qui va trouver son apogée dans le sommeil, espace temps cette fois du rêve… et de la plus grande vulnérabilité. Il s’agit bien alors à la fois de concrétiser la protection qui permet seule de s’abandonner et faire corps à une identité dans ce qu’elle a de plus sensible. Mais la chambre, c’est aussi le théâtre des confidences les plus secrètes, dont le décor doit être à la hauteur de ce qui se noue dans l’atmosphère densifiée du cocon. De la lueur tamisée du soir à la lumière éclatante du matin, des sons feutrés aux couleurs qui enveloppent, tout doit favoriser la sérénité aussi bien que la stimulation des sens pour faire de ce havre le refuge qu’il doit être.

Les sens

Chacun le sait, nous avons cinq sens… et comme les choses seraient simples si en effet ils n’étaient que cinq pour ressentir la quintessence d’un intérieur ! Car tout concourt à la sensation de bien-être ou de bonne adéquation que procure l’espace dans lequel on se meut. Faudrait-il ignorer le sens pratique, l’éveil, la perception de l’espace, le sens des proportions, la substance d’une ambiance ou encore la sensation de cohérence d’une distribution judicieuse pour ne retenir que les capteurs en ignorant leurs multiples interactions ? Notre métier consiste précisément à ordonnancer la combinatoire de tous ces facteurs pour proposer une concordance adaptée aux aspirations toujours différentes des personnes, des organisations, des institutions. Alors au-delà de l’image qu’il est aisé de rendre sémillante dans une simplification visuelle autant que virtuelle, c’est en nous imprégnant de l’effet recherché et en testant nos propositions par l’échange que nous pouvons produire ce qui procurera la volupté, l’aisance et la juste place de chacun des éléments de notre réponse finale à l’attente diffuse des premiers énoncés.

Volupté thermique

La normalisation thermique est désormais un dû au titre des réglementations qui régissent la construction, mais le confort ressenti est bien souvent sacrifié sur l’autel de l’’économie des bâtiments. C’est seulement en combinant une analyse fine des usages avec la maîtrise des coûts énergétiques que nous pouvons procurer une volupté thermique bienfaisante là où elle est attendue et quand elle elle attendue. Les technologies sont pléthore qui permettent de calibrer les calories au plus juste des besoins, il nous appartient de détecter ces derniers pour en réguler la satisfaction, avec pour premier objectif le bien-être “ici et maintenant”.

Confort acoustique

Les agressions acoustiques sont d’autant plus pernicieuses qu’elles sont multiples et permanentes. De la fatigue à communiquer dans une pièce qui résonne au vacarme de la rue en passant par l’exaspération du bruit des pas, elles ont toutes en commun de faire rentrer dans sa coquille : un réflexe de protection qui isole du monde et appauvrit, voire annule la disponibilité à l’échange. Notre rôle est de constituer un univers apaisé qui fait la place belle aux sons recherchés tout en filtrant les importuns. Depuis le simple tampon amortisseur jusqu’au renfort de structure, les techniques sont multiples et adaptées à chaque circonstance pour garantir un résultat sensible et quantifié.

Variété lumineuse

C’est beau, la lumière, surtout lorsqu’elle est distribuée hamoniquement dans un volume qu’elle rend chaleureux ou dont elle sublime l’intention. La lumière naturelle d’abord, le soleil qui rentre au fond des pièces lorsqu’on y aspire, mais qui se tient en lisière quand la fournaise écrase le paysage, l’ombre aussi dont il faut jouer pour que le contraste fasse éclater les couleurs. Et puis, au creux du soir, les éclairements subtils qui concentrent l’attention ou au contraire mettent en exergue l’étendue d’une offre, la précision d’une palette chromatique. Attention, le reflet est aussi l’ennemi des écrans devenus le quotidien d’un grand nombre, l’éclairage uniforme une tristesse qui efface tout relief, l’éblouissement d’une source lumineuse directe source d’une grande fatigue oculaire… Combiné à l’ordonnancement des espaces, l’éclairage, tout comme la luminance des surfaces offre une palette infinie de variations que nous savons justement faire varier au gré des moments, des conditions, des humeurs… C’est une touche raffinée qui ne se veut pas spectaculaire mais contribue grandement au ressenti de qualité des intérieurs que nous composons.

Fluidité ergonomique

L’architecte d’intérieur se projette toujours dans un espace meublé dont le dimensionnement est corrélé à l’usage réel des volumes qu’il conçoit et des biens comme des personnes qui doivent “prendre place”. Les distance varient donc non seulement en fonction des aménagements, du mobilier, mais aussi en tenant compte de la taille, de la corpulence, de l’âge des destinataires. Si bien que ce sont les murs qui doivent s’adapter, autant que faire se peut, et non point la structure qui va dicter la façon d’habiter. C’est encore plus sensible lorsque notre mission comporte la conception du mobilier dédié à des fonctions bien identifiées, ce qui décuple notre possibilité de créer les conditions d’une véritable chorégraphie du geste quotidien. En tout cas, la facilité du mouvement est la première des obligations auxquelles nous devons répondre avec un mot d’ordre qui chapeaute toute appréciation : la fluidité.

Covisibilités

Un sanitaire ouvrant directement sur un espace de vie, une cloison fonctionnelle barrant la perspective d’un site classé, une porte d’entrée avec panoramique sur la salle de bains… quelques exemples classique de ce que nous avons à corriger au profit de l’agrément du regard. Allonger au moins une profondeur de perspective pour désenclaver un espace vital, laisser entrevoir sans tout révéler, favoriser la perception de l’ailleurs sans le mettre sous surveillance, filtrer le regard par un écran d’objets plutôt que par une cloison trop proche ou au contraire refermer une bulle d’intimité sur un quant-à-soi ressourçant sont autant de challenges que nos plans relèvent avec aisance dès lors que l’intention de l’espace est bien identifiée.

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